Ceci dit, il m'en coûte beaucoup de l'écrire, mais j'ai un profond respect sur certains domaines pour ces barbares buveurs de thé. Il ne nous arrivent certes pas à la cheville culinaire, mais au moins ne jouent-ils pas leurs fiottes avec le petit-déjeuner. Leurs vins font honte aux cépages du monde entier, mais ils se rattrappent clairement sur les bières et les whiskies. Par contre, il est une discipline où ils nous mettent notre raclée mais alors sévère : la télévision.
J'attends toujours d'entendre parler d'une série télévisée française qui fasse sensation (autrement que par son ridicule). Je ne suis abonné à aucune chaîne de télévision, aussi avoue-je que j'écris sans trop avoir testé du produit national. Ceci dit, rien que le menu est plus alléchant de l'autre côté de la Manche. Au moins puis-je dire que la présentation des produits anglais me séduit plus que le Made in France.
Science-fiction, société, comédie, thriller... J'ai découvert pas mal de séries ces dernières années qui m'ont toutes littéralement surpris.
Les Anglais ont un point fort : ils osent. Sans tomber dans l'extrême, le mauvais goût ou le voyeurisme malsain, les sujets que je trouve souvent tabous dans les séries hors Commonwealth sont traités avec pertinence et, surtout, justesse.
Je commence avec un sujet un peu d'actualité (mariage « pour tous » oblige) : l'homosexualité. Même si j'ose espérer que nous nous éloignons peu à peu des clichés sur les gays, la simplicité avec laquelle certains protagonistes homos sont dépeints et joués fait plaisir à voir. Pas de communautarisme, pas de combat contre les méchants homophobes... Des gens normaux, qui séduisent, qui hésitent, qui ont les même problèmes que tout le monde, et dont les préférences sexuelles sont juste un détail, plutôt que d'être le fondement de leur identité.
- Dans Torchwood, le héros, assez beau gosse, clairement « tombeur de ces dames » est en fait bisexuel. Ses histoires d'amour avec différents hommes durant la série sont traitées avec moins de « sexisme » que celles hétérosexuelles que l'on voit dans How I Met Your Mother (série que j'apprécie néanmoins) ou même d'autres séries plus sérieuses. J'aime cela. J'apprécie le fait qu'il s'agisse juste d'un trait de caractère comme un autre, et que personne, ni les autres personnages ni les scénaristes, n'en font un point central.
- Lip Service est une série centrée sur un groupe d'amis, dont la plupart des filles sont lesbiennes. Là encore, l'homosexualité n'est pas le sujet. Les relations entre les personnages le sont. Ce qui démultiplie les quiproquos possibles d'ailleurs, et les scénaristes en profitent bien.
Petit paradoxe : nous qui prétendons être les meilleurs amants du moment tandis que nous dépeignons les anglais comme des frigides des années 50, j'ai été presque choqué par tout ce que j'ai pu entendre dans une série télévisée comme propos olé-olé.
Dans Misfits, qui relate les péripéties d'un groupe de jeunes condamnés à des travaux d'intérêt général qui se voient attribuer des pouvoir de super-héros, l'ambiance est plutôt humoristique bas niveau, et âge des personnages oblige, le sexe est un sujet qui revient souvent. Masturbation, sodomie, sperme, pertes vaginales... Rien des petits détails peu glamours mais pourtant réels n'est censuré.
Les anglais n'ont pas froid aux yeux. Ni tout court d'ailleurs, quand on voit les armadas des fesses tout le long de leur séries, quel que soit le sexe de leur propriétaire d'ailleurs. Je trouve que c'est une sorte de banalisation de la nudité et du sexe en général, ce qui n'est pas un mal d'ailleurs. Oui, tout le monde possède un postérieur, des seins, un pénis... C'est normal et n'a rien de choquant. Ce qui est ma philosophie personnelle d'ailleurs. De plus, pour confirmer cette normalité de la chair à nu, les acteurs et actrices ne sont pas toujours des standards de beauté. Des gens nus aux physiques classiques... quoi de plus naturel ?
Cela me rappelle ce sketch des Monty Python
Je continue sur une série que j'aime beaucoup : Torchwood. Il s'agit d'un spin-off du cultissime Doctor Who qui se centre sur l'un des personnages rencontré par le Docteur depuis la résurrection de la série en 2005 : le capitaine Jack Harkness. Pour faire court, celui-ci est un bel homme aventurier qui tente de régler les incidents exra-terrestres qui arrivent à Cardiff (qui l'eut cru ?) avec son équipe de choc.
Les sujets que cette série traite extrêmement bien (il faut dire que le créateur et producteur, Russel T. Davies, maîtrise son sujet) :
- Jack est immortel. C'est un peu classique, mais il ne se heurte pas aux problèmes scénaristiques d'autres séries qui jouent les timorés. Oui, car que ce soit MacLeod dans Highlander, Claire Bennet dans Heroes ou Wolverine dans les X-Men (ce n'est pas une série TV, certes, mais j'illustre), ces personnages sont immortels, mais dans une certaine limite (un peu comme les forfaits internet illimités... jusqu'à x méga-octets). Jack, non. Jack est une constante de l'Univers. Les lois de la physique se débrouillent désormais pour que Jack vive, quoi qu'il arrive. Les immortels « classiques » craignent généralement la décapitation, Jack a survécu à une bombe placée dans son estomac. On ne nous détaille cependant pas les détails de sa reconstitution. C'est en tout cas ce que j'appelle un vrai immortel, au sens littéral, sans coup fourré. Manier de concept n'est pourtant pas chose aisée je trouve. Russel T. Davies l'a fait ;
- En parlant de mort... la quatrième saison traite d'un phénomène terriblement grandiose : sur Terre, plus personne ne meurt. Quelles peuvent en être les conséquences politiques, sociales, religieuses, médicales, biologiques ? Même pas peur, des éléments sont apportés au fur et à mesure des épisodes. Ce n'est pas non plus un documentaire ou une thèse de recherche, mais l'effort fait pour traiter un sujet pareil m'a vraiment laissé rêveur. Gestion des hôpitaux, assistance au suicide (enfin... à la terminaison cérébrale), classement de la population entre vivants et non-morts, avortement, ressources terrestres... pas mal de questions intéressantes évidemment pas poussées jusqu'au bout, mais dont le fait de les évoquer a davantage fait grimper Russel T. Davies dans mon estime.
Je termine par ma dernière trouvaille : Utopia. C'est un thriller un peu décalé sur la forme mais avec un excellent scénario au fond. Les personnages sont intéressants, attachants, certains sont terriblement attirant par leur inhumanité. La musique est très... irrélle, déconstruite, chaotique. Les couleurs sont assez saturées, ce qui donne des décors très hauts en couleur, sans être fluo. Cela rajoute un côté rêverie cauchemardesque dans un cadre pourtant bien contemporain. Ce que j'ai aimé par dessus tout, c'est la beauté de certains plans.
Je ne suis pourtant pas un grand amateur d'art graphique, mais pour une série télé, la disposition de ces images m'a littéralement scotché (au point de mettre la série en pause pour prendre le temps de savourer). Ce n'est pas évident à exprimer... Ces plans sont simples : pas trop de choses à la fois. Juste une porte de maison ou d'immeuble, une route, un champ... Je l'ai dit, les couleurs sont très vives dans cette série, ce qui fait penser à une toile de peinture ou un dessin (ça tombe bien, l'histoire tourne autour d'un roman graphique secret). C'est très géométrique sans être strict : un symmétrie dans la scène dont l'axe est un poteau ; une route de profil avec du ciel bleu et un champ de blé jaune sur laquelle passe une voiture, seule (Van Gogh ?); la porte sombre d'un immeuble dont la façade est lumineuse (clair-obscur ?). Des plans qui sortent vraiment de ce que l'on peut voir classiquement, et qui ont fait mouche chez moi.
Pour conclure, ces chiens d'anglais ne savent pas faire jouir leurs femmes, mais depuis quelques années, ce qu'ils produisent en séries télé ne cesse de m'épater, de me faire plaisir, de me faire découvrir de nouvelles sensations visuelles, scénaristiques, émotionnelles. Je ne saurais que trop vous conseiller de partir à la découverte audio-visuelle de ce vieux continent.
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